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C'est le jour du tournage dans la baignoire.
Lio, le personnage, rêve de rejoindre son père, alors qu'il prend un bain. Soufflant dans un tuba et agitant ses palmes, il traverse l'océan austral.
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Une petite école aux portes du marais poitevin, au départ du labyrinthe de canaux où glissent sur l’eau verte les barques silencieuses. Des roses rouges et des iris jaunes ondoient le long des berges.
Une école où toutes les portes sont ouvertes, avec une très grande cour remplie de jeux et d’arbres, surplombant la bâtisse toute en longueur, un clocher qui sonne comme une église. Les élèves viennent à l'école en vélo, des barques sont amarrées au bout de leur jardin.
La salle aux murs jaunes, une vingtaine d’enfants qui attendent le tournage dans un silence épais d’excitation. Lola se cache dans la cour sous une capuche, il faut garder l’effet de surprise pour que les regards des enfants dans la classe soient naturels, ceux de la découverte d’une nouvelle élève.
Voici le storyboard lors de l'exposé de Lio.
Moi aussi je tourne :
La porte est fermée : moteur demandé, silence demandé et action!
Je me lance, il y a des marques rouges sur le sol comme repères pour faire un arrêt.
- Bonjour Madame Vernier, bonjour les enfants.
De nouvelles marques rouges marquent l’emplacement qui a changé.
- Je vous présente Apolline Pétrossian!
Un petit mot sur ce nom : c’est Apolline l’actrice qui jouait Loussiné dans le Piano, un petit clin d’œil à l’Arménie dans ce film français au film précédent.
- On refait tout de suite, moteur demandé, ça tourne au son 3/6. Action. Clap.
Certains enfants ont des répliques, Valéry, qui joue la maîtresse, les coache, c'est aussi son métier :
- Il ne faut pas trop les cadrer pour qu'ils soient les plus naturels possible!
On refait la scène six fois, les élèves comprennent ce que veut dire tourner un film : la patience, l’ennui. Et d’un coup être prêt à l’instant du clap. Une fois encore, puis trois fois de façon muette, puis avec l’autre caméra, puis avec un plan resserré sur Lola, puis sur Max.
L 'équipe est très pro, la script au combo, deux professionnels à la caméra et deux au son, plus les éclairagistes.
Tout ce monde dans l'espace resserré de la classe et de la salle des professeurs.
Mais à force de répéter avec conviction mon rôle, je m’embrouille dans le texte.
- Vous…
Mon cœur bat :
- Je compte sur….. vous.
Tout le monde dit que j'ai l'air très naturel. Quand ils apprennent que je suis prof dans la vraie vie, ils me disent que cela ne les étonne pas!
Quelques enfants sont regroupés au niveau des écrans du combo, c’est le petit rigolo qui joue le pingouin pour se moquer de Lio qui va recevoir une baffe de la part d’Apolline, mais il ne le sait pas. C’est l’excitation quand les élèves voient la répète et qu’Apolline bouscule le petit. La baffe sera d’un coup après la répétition.
Mais au moment fatidique, Lola, qui joue Apolline, ne peut pas. Le petit rigolo anticipe la giffle. Ce n'est pas réussi. Quelle sera la prise au montage?
Il a plu le soir pour le jour de la poursuite en vélo. Lévon revient un peu chagrin.
Trois enfants étaient volontaires pour la course des mauvais garçons, y compris le fils de la productrice, Titouin. Il devient chef de bande avec son air "so British" de gentil garçon, qu'il est dans la réalité, adorable!
Zaza lui choisit un costume de mauvais garçon.
Jean blouson noir et sweat gris foncé pour les mauvais gars qui font peur à Lio...
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Dans cette fameuse baignoire, il faut un masque et un tuba, des palmes aussi.
Voici les vraies palmes du tournage :
Mais Max n'a jamais soufflé dans un tuba!! Rappelez-vous la première fois où vous avez dû souffler dans un pareil engin!! Vous alliez vous noyer! Alors imaginez avec l'équipe autour, deux caméras : "Max, souffle, sois naturel..."
Nos deux oiseaux des Charentes ont comme tous les jours leur mot à dire.
Une image parfaite du film qui cache bien du travail.
On dirait une équipe chirurgicale au travail!
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7 heures du matin, une pluie dense vient de l'Océan, enroulée dans un vent cinglant. Tout le monde se regroupe frileusement autour de la médiathèque de Niort. Une grande bâtisse construite sur l'emplacement d'anciens moulins. Le bruit de la pluie, la chute d'eau, une atmosphère humide d'isolement profond dans le silence de la ville, qui ne s'éveillera que plus tard. Un temps de crachin pour les îles Sandwich, mais pas pour un tournage à l'extérieur. Heureusement, ce matin c'est Intérieur. Bibliothèque pour Lio et Apolline.
Dans le scénario, c'est un moment que j'aime, le jeune Lio, la tête dans les exoplanètes avec son univers onirique et ses revues, va rencontrer Apolline.
APOLLINE
Tu n'as qu'à dire un truc sur là où est né ton père ! Il vient d'une île, non ?
Lio la regarde sans comprendre. Apolline fronce les sourcils :
APOLLINE
Non ? C'est la dame qui nous a vendu la maison qui l'a dit. Nous, on est dans la maison à côté de la tienne... Toi, c'est Lionel, c'est ça?
LIO
Oui. C'est craignos comme prénom. Je préfère Lio.
Cette phrase est devenue culte pour l'équipe car le chef Op s'appelle Lionel.
Lionel : c'est pas du tout craignos comme prénom!!
APOLLINE
Moi aussi.
LIO
C'est Madame Laplatre qui vous a parlé de mon père ?
APOLLINE
Oui. Elle a blablaté à mes parents sur tous les voisins. Pour ton père, elle a dit que c'est l'homme de l'île Sandwich. Sandwich ? Drôle de nom pour une île.
Lio est pétrifié, rouge comme une tomate.
APOLLINE
Quoi, c'est pas vrai ? Ou j'ai fait une gaffe ?
LIO
Non... Si... mon père vient d'une île, c'est vrai. Mais je ne savais pas... que quelqu'un était au courant.
La sœur d'Apolline s'approche et lui chuchote un truc à l'oreille.
APOLLINE
Ma mère m'attend. Tu n'as qu'à décrire cette île. Sa position géographique, la faune, les habitants... Comme le prof a dit. Ça doit être chouette cette île... D'ailleurs, je trouve ce prof sympa. Mais la classe, franchement, pas terrible. À demain.
- Je n'ai plus qu'une mèche de sang, dit la maquilleuse.
- Il faudra lui confectionner des cotons!
- On va devoir faire sans mèches!
- J'avais dit plusieurs fois de préparer les cotons!
Voici quelques brides de propos pris à la volée sur le plateau :
- Louciné, qui joue la petite sœur, est en place. Caméra B. 1 ère! Clap! Action!
- Ça tourne au son!
- Elle fait juste l'entrée du champ.
- A partir de quel moment, je pick up? (reprise d'un morceau de plan)
- Quand Apolline se penche, Lio saigne du nez.
- Ça va ton nez!
- La mèche de cheveux de Lola!
- Ça ira, pour le raccord, les cheveux des filles bougent tout le temps!
- Juste un pick up quand Louciné se lève.
- Positionnements, mets-toi derrière la gueuse!
- 6/3! Pick up, caméra 2 demandée. Silence demandé. Clap, action.
- Il y a un problème de lumière.
- Le soleil sort, on avait prévu le temps gris pour la lumière!
- La bascule est trop rapide!
- Il y a un problème pour le passage de Louciné, pour le raccord lumière on passe à 5000. Merci!
- Max, tu attends un peu plus longtemps!
- Merci!
- Lola, pas si lentement!
- La place exacte, le dos dans la même position!
- Raccord!
- On garde le silence, s'il vous plaît!
- Lévon, laisse faire Lola, naturellement, après on prend la lumière!
- C'était rythmé!
- C'est très bien Lola!
- On reste à sa place. On va remettre le sang. Une fois qu'on l'a mis, faut être actif et y aller.
- On se tient prêt.
- Scène 4.
- Avec les deux caméras.
- Lola, si ce n'est pas naturel pour toi "la tête dans les étoiles", ne le dis pas. Passe à la suite.
- Il y a un silence raccord après cette prise, on garde le silence, s'il vous plaît.
C'est un moment que je trouve toujours poignant sur les plateaux de tournage. Ce silence après l'activité intense qui a précédé. Cette nappe feutrée jetée sur les hommes et les objets, un moment dense où le souffle lui même est suspendu dans la vibration de l'air.
Figée comme une statue, je regarde le combo à la silhouette noire de corbeau, les grandes baies vitrées, les canards qui s'aspergent d'eau dans le petit canal, les carnets de lecture de mes élèves que je suis en train de corriger comme si j'étais dans une bibliothèque sans l'équipe, sans cette effervescence autour, dans un lieu dédié uniquement à la lecture.
Moment de suspension, épais silence, silence raccord.
Pour une fois, tout est tourné à temps. Le public investit la bibliothèque à 13 heures, il est 12 heures 30!! C'est un exploit! Jusqu'à présent, il y a toujours eu deux heures de retard!
Il faut dire qu'un tournage de court est une épreuve, chaque minute compte. Il faut prévoir 12 heures de tournage pour deux minutes de film par jour!
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Les mauvais garçons harcèlent Lio et le poursuivent à vélo dans les rues piétonnes de Niort.
Voici dans le story-board et le marquage au sol, ses déplacements en vélo.Mais grâce à une voiture (la nôtre conduite par Antoine), Lio peut bifurquer et se sauver par une ruelle à droite.
Antoine est au volant, entre les prises, on discute un peu, il a été clown, élève d'une école Steiner et Alsacien. Cela me fait rire car il est dans une voiture immatriculée en Alsace.
L'équipe est dans la rue depuis 7 heures ce matin.
A 13 heures, tout est déménagé à deux pas de là, vers la passerelle.
La voici, on tourne un jeudi 8 mai. C'est férié, mais c'est jour de marché.
L'équipe bloque le passage étroit et tous les habitants reviennent chargés à pas pressés.
- Désolé, vous ne pouvez pas passer.
- Comment cela! J'habite juste en face.
- On tourne. Il y a un autre pont plus loin, si vous voulez!
- Mais j'ai mes courses! Combien de temps?
- Une heure trente.
- C'est insensé! Vous avez une autorisation.
- Une autorisation préfectorale, la voici.
- Il est indiqué que vous avez le droit de tourner, mais pas de bloquer le passage.
- Oui, mais il y a la caméra, les câbles, les projos!
- Je passe quand même!
Mais tous les clients du marché ne sont pas ainsi heureusement, ils ont le sourire aux lèvres.
- C'est quoi comme tournage?
- L'Homme de l'île Sandwich!
- Ca à un rapport avec le marché!
- Non, c'est l'histoire... et c'est Cécile qui raconte avec bonne humeur, très à l'écoute et pleine de gentillesse.
- C'est toujours mieux de prévenir les gens en souriant.
On est d'accord Cécile, tu as la bonne méthode, même quand toute l'équipe est sur le pont, fatiguée, au bord de la crise de nerfs.
Une petite pause s'impose! On regarde avec suspicion dans la cantine sur le lieu du pique-nique. Des sandwichs trop beurrés. Et pour les végétariens! Cette fois-ci le traiteur nous a pris au mot : des salades, rien que des salades: carottes, betteraves et sans assaisonnement!!
Après ce repas "gargantuesque", une petite sieste comme tous les jours, quelques moments de répit volé au regard d'aigle de Lévon, qui plane au-dessus du lieu du tournage.
C'est La sandwicherie du père d'Apolline.
Voici le vieux camion initial, tout juste sorti d'un film des années 70. Il est en vente, vous pouvez l'acheter!
Et voici comment il est transformé pour devenir un piège pour tout Arménien qui se respecte.
Rouge, bleu, orange, Ararat qui est la montagne symbolique des Arméniens. Et ça marche! Deux hommes très décidés se dirigent vers le décor. Des Arméniens de Russie directement aimantés par la carrosserie! C'est le petit clin d’œil du réalisateur à la Diaspora.
Cerise sur le gâteau, à l'intérieur, il y a vrai un Boyadjian avec un tee-shirt tricolore, aux couleurs de la mère Patrie.
Simplement cet Arménien là ne tient pas debout dans le camion, il est trop grand, il lui faut un tabouret pour ne pas paraître être un géant dans une boite de conserve.
- Tu dois faire un geste très spécifique avec le torchon! indique Lévon, le réalisateur!
- Oui, je nettoie le comptoir, puis je passe le chiffon sur mes mains, répond Gérard.
Voici le story-board de la scène avec les enfants :
1. Ext. DEVANT LA SANDWICHERIE ARARAT - APRÈS-MIDI
Non loin de là, sur le trottoir, on distingue une sandwicherie ambulante nommée "Ararat". Apolline s'approche de la sandwicherie, suivie de Lio. Le vendeur, c'est le Père d'Apolline.
Apolline
Papa, c'est Lio, notre voisin. On est dans la même classe...
Le Père d'Apolline sort une bouteille du frigo et un sandwich mis de côté.
Le père d'Apolline
Tiens...
(à Lio)
Viens, Lio, approche. Tu as soif, tu as faim?
Lio est intimidé.
Lio
Non, merci.
Le Père d'Apolline sort une nouvelle bouteille d'eau et un sandwich.
Le père d'Apolline
Tiens, prends ça!
Lio reste à sa place, n'avance pas.
Le père d'Apolline
Prends-le, je te dis... C'est un poulet crudités, avec une sauce spéciale. C'est très bon.
Lio
Je... Je n'ai pas d'argent.
Le père d'Apolline
Ce n'est pas grave! Offert par la maison, tiens!
Lio ne bouge toujours pas. Le père d'Apolline place le tout dans une pochette et la donne à Apolline.
Le père d'Apolline
Donne-lui ça, il est timide, ton copain.
Apolline prend le sac plastique, se tourne souriante vers Lio, resté à distance, gêné.
Cela a l'air simple comme cela, mais on tourne à côté d'un square où les enfants crient. On fait un tour pour leur dire de se calmer la minute où l'on tourne. Les gamins nous regardent, sourcils froncés.- Je fais ce que je veux! en criant exprès plus fort. Vous avez qu'à aller ailleurs!
Mon autorité en prend un coup.
- C'est juste pour une minute!
Les parents, genre Ch'ti du Nord, visage fermé et cigarettes :
- Faut le faire, tourner à côté d'un square, vous ne pouvez pas empêcher les enfants de crier.
Heureusement, l'ingénieur du son, Jérémie dit : On prendra le son à part, cela n'a pas d'importance.
Dans un buisson cachée, je trouve Peggy, la productrice :
- Dures conditions de travail!
- Oui, je suis toujours en plein décalage.
- Y aura assez de sous? Pour la post-prod? Pour la musique?
Peggy replonge dans ses comptes.
Quelques photos du tournage pour suivre Max. Son bonheur, sa joie qui irradient quand il tourne.
Et chacun est touché par sa gentillesse, par son humour, par sa disponibilité et son talent.
Il parle avec chacun, transformant chaque instant en moments de joie pure.
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