• On pénètre dans l'entresol, c'est dans cette antre sombre et sans fenêtres que se monte le film? Le visiteur entre d'un pas prudent, presque à tâtons, comme un intrus.

    Il est saisi dès le seuil par une odeur de grains grillés qui l'enveloppe  dès la porte d'entrée, une délicieuse odeur de café. Nous ne sommes pas dans une salle de montage, mais chez des spécialistes de grands crus, qui traitent avec art comme de grands cépages les grains venus du Brésil et d'Afrique.

    Et le film pas à pas se construit...Et le film pas à pas se construit...

     

    Et le film pas à pas se construit...

     

     

     

     

    Dans cette odeur suave et sensuelle, chaude de Moka, continuons notre recherche du film.

    Qu'est-ce là encore, la salle de montage? Enfin! Notre Graal!

    Et le film pas à pas se construit...

    C'est une salle de musculation! S'est-on trompé d'adresse? Mais je reconnais pourtant le réalisateur, son film ne doit pas être loin.

    Il suffit de se retourner pour voir que la salle de montage est dans un endroit très spécial.

     

    Et le film pas à pas se construit...

     

    Çà y est, le visiteur retrouve ses repères, deux écrans, un ordinateur.

    Et le film pas à pas se construit...

     

    C'est bien là, l'endroit où l'on monte L'Homme de l'île Sandwich! Il y a le monteur Aurélien et son assistante Joa.

    Aurélien offre du gingembre confit, une petite délicatesse piquante et sucrée dans les vapeurs de Moka grillé, on s'enfonce dans le canapé blanc.

    Le film se dévoile dans son plus simple appareil, sans la musique, sans le travail sur le son, dans sa beauté brute de pépite, de diamant. J'ai les larmes qui me viennent aux yeux. C'est émouvant un film qui se livre ainsi dans toute sa beauté originelle. Un peu de gingembre pour camoufler le piquant des yeux, merci Aurélien.

    Le montage est facile, Lévon et Aurélien travaillent en osmose et le film que l'on voit est à leur image, fluide, léger, profond, symbolique et atemporel.

    Mais attendez, Aurélien, Aurélien Manya, ce n'est pas un monteur, mais un auteur. on a dû se tromper malgré tout d'endroit, cette caverne sombre est plutôt celle de l'écriture!!

    J'ai lu son livre, Le temps d'arriver, un road movie, à pied de Paris à Marseille, un roman comme je les aime, où la langue prend le temps de la contemplation et de la beauté. 

     Voilà c'est simple en fait : c'est un monteur-auteur qui sait passer d'un statut à l'autre avec brio.

    "Au début de l’écriture, je me sentais loin du cinéma. Puis au fil des mois j’ai réalisé que j’en étais finalement très proche. J’avais besoin de voir les images dans ma tête, comment le personnage est-il habillé, la lumière, le décor… Je construisais mentalement le plan de cinéma. Je me suis alors rendu compte que j’avais ce qu’on appelle une écriture de l’image, une écriture cinématographique".

    Entre les strates de ce bouquet de créativité polymorphe, heureusement il y a en tranches notre Sandwich, qui prend vie sous ses doigts et son œil exercé.

     

    "Pour ce qui est du cinéma, j’ai monté un documentaire sur Only Lovers left alive de Jim Jarmusch qui sera sur le DVD du film qui sort fin juin. Là je viens de terminer un documentaire de Céline Gailleurd et Olivier Bohler sur le philosophe Edgar Morin et j’attaque un court métrage de Lévon Minasian. Cet été, je pars au Maroc pour monter le deuxième long métrage de Mohamed Chrif Tribak.

     

    En ce qui concerne mes activités littéraires, j’ai écrit une série de nouvelles autour de thèmes très prochede ceux du temps d’arriver : la rupture, le départ, le voyage. Elles seront publiées séparément dans des revues. L’une d’elles reprend un personnage du roman que j’avais accepté de supprimer sur les conseils de mon éditeur. J’étais tellement en colère contre le meurtre de ce personnage que je lui ai consacré une nouvelle! C’est une forme de revanche de l’écrivain sur le monteur : au cinéma on ne peut pas réutiliser un personnage coupé mais en littérature c’est possible.

     

    En ce moment, j’écris un deuxième roman, L’Engagement. L’histoire commence au début des années 70 en Italie, et suit le destin d’un jeune homme sur quinze ans.

     

     


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